FEAMP miSS

Les miARN sont de courts acides ribonucléiques (ARN) simple-brin propres aux cellules eucaryotes. Ils possèdent en moyenne 22 nucléotides (en général de 21 à 24), soit beaucoup moins que les autres ARN. Chez l'Homme, les micro-ARN réguleraient l'expression d'au moins un tiers des gènes. Les travaux de recherche menés sur les miARN ont mis en évidence leurs multiples rôles dans la régulation négative et leur implication possible dans une régulation positive de l’expression des gènes. On a déjà décrit que les miARN peuvent être exprimés différemment d’un tissu ou d’un type cellulaire à l’autre. Ainsi, on trouve par exemple le miARN mir202 très exprimés dans les testicules d’anguilles, lorsqu’aucune copie n’a été trouvée dans les ovaires (Geffroy et al., 2016). Ce mir202 a par ailleurs été détecté dans le plasma chez l’homme en étant utilisé comme marqueur du cancer du testicule (Joosse, Müller, Steinbach, Pantel, & Schwarzenbach, 2014) et de la prostate (McDonald et al. 2019) traduisant probablement un dérèglement hormonal. C’est précisément cette spécificité de présence des miRNA dans le sang que nous comptons exploiter dans ce projet FEAMP miSS.

 

Pour étudier les miARN, des méthodes de détections éprouvées par les laboratoires de recherche mais lourdes à mettre en œuvre, chronophages et couteuses (extraction, RT-PCR, LAMP, micropuces à ADN) sont largement utilisées. Cependant depuis quelques années, des méthodes plus simples et plus rapides basées sur la modification de surfaces et utilisant une détection électrochimique émergent: ce sont les nanobiocapteurs électrochimiques à miARN.  Ils sont qualifiés de « nano » car la surface des électrodes est modifiée par des nano-objets (typiquement des nanoparticules d’or) et de « bio » car ils utilisent une molécule biologique (un brin d’ADN ou d’ARN) attachée aux nano-objets pour détecter les miARN.

L’utilisation de nano-objets structurant l’électrode permet une très grande surface de contact entre l’échantillon et le capteur améliorant ainsi la sensibilité, et l’utilisation d’un récepteur biologique permet d’interagir sélectivement avec les miARN d’intérêt. L’utilisation de l’électrochimie permet une détection ultrasensible de l’interaction entre les miARN et leurs récepteurs. De plus, la transduction électrochimique offre de nombreux avantages comme le faible coût des matériaux d’électrodes, la robustesse, la transportabilité des dispositifs et la possibilité d’être utilisé par des non-experts. Fort de ces atouts, les nanobiocapteurs électrochimiques à miARN font l’objet de nombreuses recherches (Gillespie et al., 2019).

D’après l’analyse bibliographique, la méthode de transduction électrochimique la plus simple (figure 1), utilisant une sonde électrochimique en solution, permet d’atteindre des seuils de détection en miARN sanguin du femto au nano-molaire (de 10-15 à 10-9 mol.l-1) c’est-à-dire de l’ordre de 1 pg.l-1 à 1 µg.l-1 en miARN.

Pour détecter des concentrations inférieures (jusqu’à l’attomolaire, 10-18 mol.l-1), la stratégie la plus documentée consiste à utiliser des catalyseurs biologiques (Zhao et al., 2015) ou inorganique (Jamali et al., 2013) qui amplifient la réponse du biocapteur en mode faradique. Néanmoins ces stratégies nécessitent de marquer le brin sonde (ex : avidine, sonde électrochimique) et/ou d’utiliser des enzymes (ex : nucléases, polymerase) ce qui augmente considérablement les coûts pour des analyses en séries.

Une autre stratégie permettant d’amplifier la réponse électrochimique repose sur le fait que la reconnaissance moléculaire du miARN par la sonde oligonucléotidique (sonde « ADN ») entraine un blocage important de la surface, amplifiant ainsi la réponse impédimétrique du biocapteur. Des travaux récents décrivent cette stratégie via l’utilisation de DNAzyme (Shen, Deng, Ren, & Gao, 2013), de jonction 4 voies ou encore de la protéine p19 (Labib et al., 2013).

Le caractère innovant du biocapteur que nous envisageons de développer dans ce projet réside dans l’amplification du signal de détection des miARN via l’usage d’un aptamère anti-(pro)thrombine (enzyme sérique intervenant dans l’hémostase), tirant ainsi pleinement profit de la composition  naturelle du sang et limitant l’apport de réactif. Cette séquence sera ajoutée à l’extrémité d’une séquence en tige-boucle complémentaire des miARN à détecter. La présence des miARN entrainera l’ouverture de cette tige-boucle (Xia, Zhang, Wei, Huang, & Liu, 2015), libérant ainsi la séquence de fixation de la thrombine (figure 2). La formation du complexe ADN sonde / (pro)thrombine entrainera alors un blocage de l’électrode, améliorant ainsi le seuil de détection. En effet, la (pro)thrombine est une protéine bien plus volumineuse que les brins d’ADN greffés en surface, si bien que sa présence aura plus d’impact sur la réponse électrochimique qu’une simple reconfiguration de brin (Labib et al., 2013).